Naissance et essor de la maison Goupil

Fondée en 1829 par Adolphe Goupil et Henry Rittner et installée boulevard Montmartre à Paris, la maison Goupil fait le commerce d’estampes. La société édite aussi bien les reproductions de tableaux de maîtres anciens que ceux des artistes vivants qui exposent au Salon parisien.

Les choix artistiques traduisent le goût de l’époque : un même sujet peut être présenté sous plusieurs formats, différentes techniques, en noir ou en couleurs avec des prix variés permettant de satisfaire une large clientèle. La firme connaît une expansion extraordinaire : elle ouvre quatre établissements à Paris, et successivement, entre 1841 et 1866, des succursales à Londres, New York, Berlin, La Haye, Vienne et Bruxelles et des comptoirs de vente dans le monde entier.

Faire entrer l'édition d'art dans l'ère industrielle

Adolphe Goupil comprend vite l’intérêt technique et commercial de la photographie appliquée à la reproduction. En 1856, il crée son propre atelier à Asnières, employant plus d’une centaine d’ouvriers. Comme les tirages photographiques réalisés sur du papier albuminé ont tendance à s’abîmer à la lumière, les ingénieurs de Goupil développent le procédé Woodbury ou photoglyptie, qui rend les épreuves inaltérables. L'évolution de la mécanisation de la production des images amène ensuite à la découverte de la photogravure. Cette technique photomécanique, offrant des tirages d’excellente qualité en grand nombre, est très appréciée du public. Utilisées dès les années 1880, la typogravure et la chromotypogravure permettent enfin de produire des impressions bon marché à caractère davantage populaire.

Un imprimeur-éditeur marchand de tableaux

En 1846, Goupil inaugure une nouvelle activité – celle du commerce de l’art (dessins et tableaux). La galerie ne recherche pas les avant-gardes mais plutôt la peinture qui plaît à la majorité des contemporains, moins les tableaux médaillés ou primés que ceux devant lesquels la foule s’arrête dans les Salons parisiens. Goupil & Cie instaure ainsi une stratégie commerciale simple mais très efficace : en s'appuyant sur son réseau international, la société écoule la production des artistes auprès d'une large clientèle, accroit ses ventes tout en faisant grimper la cote des peintres. Par ailleurs, les droits de reproduction étant, à l'époque, encore attachés à la possession de l'œuvre, les reproductions des tableaux sont vendues et génèrent des bénéfices supplémentaires.

Succéder à Goupil : les dernières années de la firme

Les successeurs de Goupil - Boussod, Valadon et Cie puis Manzi, Joyant & Cie - sont les amis d’artistes de leur temps, comme Edgar Degas et Henri de Toulouse-Lautrec. Demeurant sous l'égide du nom Goupil, ils vont pourtant infléchir l’orientation artistique de la firme vers une plus grande modernité. A la fin du 19ème siècle, ils ouvrent encore de nouveaux marchés : les revues et les projets d’exception. En 1897, la maison Goupil édite, en tirage limité à cent vingt-cinq exemplaires, un album qui a frappé tous ses contemporains : Les Dessins de Auguste Rodin, aussi appelé Album Fenaille, inspiré de La Divine Comédie de Dante. La maison Goupil ferme ses portes après la Première Guerre mondiale : 1919 pour la galerie d’art et entre 1920 et 1921 pour la branche éditoriale. Cette dernière est rachetée par un marchand d’art bordelais, Vincent Imberti. Ses descendants, lorsqu’ils fermeront définitivement boutique, légueront le fonds à la Ville de Bordeaux : c’est pourquoi le musée Goupil s'y trouve désormais.